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Quand une mise en demeure de payer le fermage n’est pas retirée

Le bailleur qui entend recouvrer un impayé de fermage doit envoyer à l’exploitant locataire une mise en demeure de payer par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR). Et attention, car si elle n’est pas retirée par son destinataire, cette lettre recommandée est dépourvue d’efficacité juridique.

C’est ce que les juges ont affirmé dans l’affaire récente suivante. Confronté à plusieurs impayés de fermage, un bailleur avait délivré à son locataire une mise en demeure de payer par LRAR. Cette lettre n’ayant pas été retirée par ce dernier, et les sommes dues n’ayant pas été payées, le bailleur avait, trois mois plus tard (conformément au délai légal), agi en justice afin d’obtenir la résiliation du bail. Mais les juges ne lui ont pas donné gain de cause car ils ont estimé que, n’ayant pas été retirée, la lettre ne valait pas mise en demeure. Or dans la mesure où la mise en demeure constitue un acte préalable obligatoire à l’exercice d’une action en résiliation du bail, la procédure de résiliation du bail engagée par le bailleur n’était pas valable. Sévère !

En pratique, lorsqu’une LRAR n’est pas retirée, le bailleur a donc tout intérêt à réitérer sa sommation de payer en envoyant une mise en demeure, cette fois, par acte de commissaire de justice.

Rappel : le défaut de paiement du fermage par un exploitant agricole constitue une cause de résiliation de son bail rural. Mais attention, le bailleur n’est en droit d’obtenir en justice la résiliation du bail pour ce motif que si « deux défauts de paiement du fermage ont persisté à l’expiration d’un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l’échéance ».


Cassation civile 3e, 14 décembre 2023, n° 22-16751

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Sauvegarde de la compétitivité : motif économique de licenciement dans une association

Comme les autres employeurs, les associations peuvent procéder à des licenciements pour motif économique notamment lorsqu’elles cessent leur activité. Mais un licenciement économique peut-il, dans un organisme sans but lucratif comme une association, être justifié par une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ?

Ainsi, dans une affaire récente, une salariée, travaillant comme correspondante de nuit, avait été licenciée pour motif économique par une association œuvrant dans la médiation sociale urbaine. Un licenciement économique que l’association justifiait par la perte d’un marché de prestations de services de médiation de nuit passé avec la commune de Rennes et quatre bailleurs sociaux rennais.

En effet, le chiffre d’affaires de son établissement basé à Rennes avait diminué de 54 % (1 120 000 € à 511 000 € sur un an) à la suite de la perte de ce marché. Le chiffre d’affaires global de l’association (tout établissement confondu) ayant baissé, lui, de 4 098 000 € à 3 920 000 € sur un an. De plus, son excédent d’exploitation avait diminué de 83 % sur la même période et il n’existait pas de perspective, pour l’association, d’obtenir d’autres marchés dans d’autres agglomérations.

Au vu de ces éléments, la cour administrative d’appel de Nantes avait considéré qu’il n’existait pas de menace réelle pesant sur la compétitivité de l’association de nature à justifier la réorganisation et qu’en conséquence, le licenciement pour motif économique de la salariée n’était pas justifié.

Mais le Conseil d’État ne s’est pas rangé à cet avis. Ainsi, il a annulé cet arrêt après avoir rappelé que la sauvegarde de la compétitivité peut constituer un motif économique de licenciement dans une association à but non lucratif, à condition que la réalité de la menace pour sa compétitivité soit établie. L’affaire devra donc être rejugée en appel.


Conseil d’État, 3 avril 2024, n° 471271

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Transmission d’entreprise par pacte Dutreil : les critères de l’activité prépondérante

Le « pacte Dutreil » permet aux héritiers ou aux donataires qui reçoivent des parts ou des actions de société de bénéficier, sous certaines conditions, d’une exonération de droits de mutation à titre gratuit, à hauteur de 75 % de la valeur des titres transmis.

Rappel : le pacte Dutreil implique, en principe, que les titres transmis fassent l’objet d’un engagement collectif de conservation, pendant au moins 2 ans, pris par le donateur avec un ou plusieurs associés et d’un engagement individuel de conservation, pendant au moins 4 ans, pris par chaque héritier ou donataire.

Cette exonération s’applique aux transmissions de sociétés dont l’activité principale est industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, à l’exclusion des activités civiles. Le caractère prépondérant de l’activité opérationnelle de la société s’appréciant à partir d’un faisceau d’indices, déterminés d’après la nature et les conditions d’exercice de l’activité, comme l’illustre l’affaire récente suivante.

Par succession, un héritier avait reçu des actions d’une société exerçant une activité commerciale (exploitation d’une galerie d’art, édition de livres d’art…) et une activité civile (location d’une partie de son patrimoine immobilier). À ce titre, il avait demandé à bénéficier de l’exonération Dutreil. À tort, selon l’administration fiscale, qui avait estimé que l’activité prépondérante de la société était civile.

Une analyse validée par les juges de la Cour d’appel de Versailles. Pour parvenir à cette conclusion, les juges ont retenu la part de la valeur vénale des actifs affectés à l’activité commerciale (30 % seulement), la surface de l’immeuble dédiée à l’activité commerciale (47 % seulement) et la part du chiffre d’affaires généré par l’activité civile (entre 70 et 80 % sur 3 ans).

Précision : en revanche, les juges n’ont pas tenu compte du caractère historique de l’activité commerciale ni de l’affectation du personnel ou des recettes locatives à cette activité.


Cour d’appel de Versailles, 12 mars 2024, n° 23/01551

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Exonération des plus-values de cession d’une SCP pour départ à la retraite : gare aux délais !

Les plus-values réalisées par un professionnel libéral à l’occasion de la cession des parts sociales qu’il détient dans une société civile professionnelle (SCP) lors de son départ à la retraite peuvent, sous certaines conditions, bénéficier d’une exonération d’impôt sur le revenu. Pour cela, le professionnel libéral doit notamment cesser toute fonction dans cette SCP et faire valoir ses droits à la retraite dans les 2 ans qui suivent ou qui précèdent la cession. Sachant que la date à laquelle il fait valoir ses droits à la retraite correspond à la date à laquelle il entre en jouissance de ses droits dans le régime obligatoire de base d’assurance vieillesse auquel il a été affilié à raison de son activité. Une date qui est fixée, pour le régime des professions libérales, au 1er jour du trimestre civil qui suit la demande de liquidation de ses droits à retraite par l’intéressé.

Ainsi, dans une affaire récente, un notaire avait cédé ses parts sociales d’une SCP en deux temps, les 18 mars 2014 et 27 janvier 2016. Les plus-values réalisées dans le cadre de ces opérations avaient bénéficié de l’exonération pour départ à la retraite. Mais l’administration fiscale avait remis en cause cette exonération au titre de la cession du 18 mars 2014 au motif que le notaire n’avait pas fait valoir ses droits à la retraite dans les 2 ans suivant la cession.

Une analyse validée par les juges de la Cour administrative d’appel de Toulouse. Selon eux, le notaire, bien qu’ayant demandé la liquidation de ses droits à la retraite le 5 février 2016, donc avant l’expiration du délai de 2 ans, n’était entré en jouissance de ses droits à retraite qu’à compter du 1er avril 2016, soit plus de 2 ans après la cession de ses parts sociales.

À noter : les juges n’ont pas tenu compte du délai de traitement, par le ministre de la Justice, de la demande du notaire de se retirer de la SCP, présentée le 10 septembre 2015 et officiellement acceptée le 27 janvier 2016 seulement, ce qui avait retardé sa demande de liquidation de ses droits à retraite et donc l’entrée en jouissance de ses droits. En effet, la Direction générale des finances publiques a indiqué, par courrier adressé au Conseil supérieur du notariat, que ce délai n’était pas excessif et correspondait à la durée moyenne de traitement des demandes à l’époque de cette affaire, à savoir 4 mois.


Cour administrative d’appel de Lyon, 4 avril 2024, n° 23LY00111

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Apport du bail rural à une société : gare à l’accord préalable du bailleur !

Un exploitant agricole ne peut faire apport de son bail rural à une société d’exploitation agricole ou à un groupement d’exploitants ou de propriétaires qu’avec l’agrément personnel du bailleur. Ce dernier doit donc pouvoir identifier la société bénéficiaire de l’apport avant de donner son accord à l’opération.

Selon les juges, il en résulte que la clause d’un bail rural par laquelle le bailleur donne, par avance et de manière générale, son accord pour un potentiel apport de ce bail par le locataire à une société n’est pas valable car elle ne permet pas d’identifier la société bénéficiaire de cet accord.

De surcroît, les juges ont précisé que dans la mesure où une telle clause est contraire à une disposition légale dite « d’ordre public », l’action en justice du bailleur visant à la faire déclarer illicite n’est soumise à aucune prescription et peut donc être engagée à n’importe quel moment du bail.

À noter : la clause selon laquelle le bailleur autorise par avance l’apport du bail rural à une société est licite dès lors qu’elle précise d’emblée le nom de la société qui sera susceptible d’en bénéficier.


Cassation civile 3e, 8 février 2024, n° 22-16422

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Majoration pour défaut d’adhésion à un OGA : demandez le remboursement !

Auparavant, une majoration s’appliquait aux revenus des titulaires de bénéfices industriels et commerciaux (BIC), de bénéfices non commerciaux (BNC) ou de bénéfices agricoles (BA) qui n’adhéraient pas à un centre de gestion agréé ou à une association de gestion agréée ou qui ne faisaient pas appel à un professionnel de l’expertise comptable ayant conclu une convention avec l’administration fiscale.

Rappel : le taux de cette majoration était initialement de 25 %, puis avait été progressivement réduit à 20 % pour l’imposition des revenus de 2020, à 15 % pour 2021 et à 10 % pour 2022. La majoration ayant été totalement supprimée à compter de l’imposition des revenus de 2023.

À ce titre, un contribuable avait saisi la Cour européenne des droits de l’Homme afin de contester l’application de cette majoration à ses revenus. À bon droit, ont estimé les juges, qui ont remis en cause cette mesure au motif qu’elle violait la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

En conséquence, les contribuables peuvent déposer une réclamation fiscale pour demander le remboursement du supplément d’impôt qu’ils ont acquitté du fait de cette majoration.

En pratique : la réclamation peut être présentée jusqu’au 31 décembre 2024 pour les revenus de 2021 et jusqu’au 31 décembre 2025 pour les revenus de 2022.


Cour européenne des droits de l’Homme, 7 décembre 2023, n° 26604/16

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L’appréciation de la disproportion d’un cautionnement

Lorsqu’un cautionnement souscrit par une personne physique (par exemple, un dirigeant pour garantir un prêt contracté par sa société auprès d’une banque) était, au moment de sa conclusion, manifestement disproportionné par rapport à ses biens et à ses revenus, le créancier (la banque) ne peut pas s’en prévaloir en totalité. En effet, ce cautionnement est alors réduit au montant à hauteur duquel la caution (le dirigeant) pouvait s’engager à la date à laquelle il a été souscrit.

Précision : cette limite ne s’applique pas si le patrimoine de la caution (le dirigeant) lui permet, au moment où la banque lui demande de payer en lieu et place du débiteur (la société), de faire face à son obligation.

Pour apprécier si un cautionnement est disproportionné ou non, la banque doit s’enquérir de la situation financière et patrimoniale de la caution. En pratique, le plus souvent, les banques font remplir à la caution une fiche de renseignements patrimoniaux. À ce titre, les juges viennent d’affirmer qu’une banque ne peut pas se prévaloir d’une fiche de renseignements qui a été signée par la caution après que le cautionnement a été souscrit.

Dans cette affaire, la caution avait remis la fiche de renseignements patrimoniaux à la banque un mois après la souscription du cautionnement. Cette dernière n’a donc pas été admise à se prévaloir de cette fiche pour s’opposer à la disproportion, invoquée par la caution, du cautionnement qu’elle avait souscrit.


Cassation commerciale, 13 mars 2024, n° 22-19900

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Peut-on réclamer les intérêts légaux en sus des pénalités de retard ?

La loi (le Code de commerce) impose aux entreprises de prévoir des pénalités de retard à l’encontre de leurs clients professionnels en cas de paiement de factures hors délai. Les modalités d’application et le taux de ces pénalités devant être précisés dans leurs conditions générales de vente (CGV). À noter que ces pénalités sont dues de plein droit dès que le paiement a lieu après la date mentionnée sur la facture, sans même qu’un rappel soit nécessaire.

Précision : les entreprises sont libres de fixer le taux des pénalités de retard. Seule obligation, ce taux ne peut pas être inférieur à 3 fois le taux d’intérêt légal, soit à 15,21 % pour le 1er semestre 2024 (5,07 % x 3). Sachant que si l’entreprise n’a pas prévu de pénalités de retard dans ses CGV, le taux des pénalités de retard qui s’applique est alors le taux de refinancement de la Banque centrale européenne (taux « refi ») majoré de 10 points. Ce taux étant de 14,5 % pour le 1er semestre 2024 puisque le taux de refinancement de la BCE était de 4,5 % au 1er janvier 2024.

À ce titre, la Cour de cassation a estimé récemment que les pénalités de retard prévues par le Code de commerce constituent un intérêt moratoire et qu’elles sont donc de même nature que l’intérêt légal prévu par le Code civil, à savoir réparer le préjudice subi par un créancier en cas de retard de paiement d’un débiteur. Il en résulte qu’une entreprise n’est pas en droit de réclamer, en plus des pénalités de retard prévues dans ses conditions générales de vente, les intérêts de retard au taux légal prévus par le Code civil.


Cassation commerciale, 24 avril 2024, n° 22-24275

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L’information des consommateurs sur le prix des produits dont la quantité a diminué

La « shrinkflation » est un procédé, utilisé depuis quelque temps, qui consiste pour les fabricants de produits de grande consommation préemballés à réduire les quantités de ces produits sans diminuer leur prix. Autrement dit, dans un contexte d’inflation, elle leur permet de ne pas augmenter leur prix, ou de les augmenter modérément.

Pour que les consommateurs soient informés de cette pratique, légale mais pas forcément visible, la règlementation obligera désormais les magasins de produits de grande consommation à prédominance alimentaire d’une superficie de plus de 400 m² à afficher, directement sur l’emballage des produits concernés ou sur une étiquette attachée ou placée à proximité du produit, de façon visible et lisible, une mention indiquant : « pour ce produit, la quantité vendue est passée de xxx à xxx et son prix au (préciser l’unité de mesure concernée) a augmenté de xxx % ou de xxxx € ».

Plus précisément, sont concernés les denrées alimentaires et les produits non alimentaires qui sont commercialisés dans une quantité (poids, volume) constante. Ne sont donc pas concernées les denrées alimentaires préemballées à quantité variable (rayon traiteur, par exemple) et les denrées alimentaires non préemballées (vendues en vrac).

Précision : cette obligation entrera en vigueur le 1er juillet prochain.

Cet affichage devra rester visible pendant un délai de deux mois à compter de la date de la mise en vente du produit dans sa quantité réduite.

Attention : le distributeur qui ne respectera pas cette obligation sera passible d’une amende administrative dont le montant pourra atteindre 3 000 € s’il s’agit d’une personne physique et 15 000 € s’il s’agit d’une société.


Arrêté du 16 avril 2024, JO du 4 mai

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Un entrepreneur peut-il réclamer le paiement du coût de travaux supplémentaires ?

L’entrepreneur qui réclame le paiement du prix de travaux doit prouver le consentement de son client à l’exécution de ces travaux et au prix demandé. Application de ce principe vient d’être faite dans l’affaire récente suivante.

Une société (le maître d’ouvrage) avait chargé une société de construction de réaliser certains travaux dans le cadre de l’édification d’un bâtiment. Des travaux supplémentaires de pose de pierres et de granit à vocation décorative, non prévus initialement, ayant été effectués, la société de construction avait réclamé au client le paiement du coût de ces travaux. Mais ce dernier avait refusé de les payer. L’entreprise de construction avait alors fait valoir que le client avait eu connaissance du prix des travaux supplémentaires, malgré l’absence de devis signé, compte tenu des relations amicales qu’elle entretenait avec lui, et qu’en outre, il avait payé partiellement ce prix, ce qui démontrait son acceptation.

Saisis du litige, les juges ont donné raison au maître d’ouvrage. En effet, après avoir rappelé le principe selon lequel celui qui réclame le paiement de travaux doit prouver le consentement de son client à l’exécution de ceux-ci au prix demandé, ils ont affirmé que la preuve de ce consentement ne peut pas résulter du seul silence gardé par le client à réception d’une facture ni du paiement partiel du prix. En conséquence, la société de construction n’était pas en droit de réclamer le coût des travaux supplémentaires à son client.


Cassation civile 3e, 18 janvier 2024, n° 22-14705

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