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Procédure de conciliation : l’entreprise n’a pas à être déclarée en défaut !

La procédure de conciliation a pour objet de permettre à une entreprise en difficulté économique ou financière de conclure avec ses principaux créanciers, avec l’aide d’un conciliateur désigné par le tribunal, un accord amiable destiné à mettre fin à ses difficultés. Cette procédure est ouverte à toute entreprise (sauf agricole) qui éprouve des difficultés avérées ou prévisibles et qui ne se trouve pas en état de cessation des paiements depuis plus de 45 jours. Elle est déclenchée à l’initiative du chef d’entreprise lui-même, qui saisit à cette fin le président du tribunal.

Gros avantage de la procédure de conciliation, elle est gouvernée par un principe de confidentialité. Ainsi, l’ouverture d’une telle procédure ne donne lieu à aucune publicité. Et toute personne appelée à la conciliation ou qui, par ses fonctions, en a connaissance, est tenue à la confidentialité.

Ainsi, en raison de cette confidentialité, une banque qui apprend qu’une entreprise fait l’objet d’une procédure de conciliation n’a pas à la déclarer en défaut à la Banque de France. C’est ce que les juges ont affirmé dans l’affaire récente suivante.

Une entreprise avait fait l’objet d’une procédure de conciliation à laquelle avaient participé ses principaux créanciers, notamment les crédits-bailleurs auprès desquels elle avait acheté des véhicules à crédit. Par la suite, la banque société-mère des crédits-bailleurs avait déclaré cette entreprise en défaut auprès de la Banque de France, laquelle avait dégradé le niveau de cotation de l’entreprise dans le fichier bancaire des entreprises (Fiben).

L’entreprise avait alors agi en référé contre la banque pour obtenir la mainlevée de l’inscription de défaut, faisant valoir que cette dernière ne pouvait lui reprocher aucun incident de paiement et invoquant le caractère confidentiel de l’ouverture de la procédure de conciliation.

Une information confidentielle pour tous

Les juges lui ont donné gain de cause. Ils ont d’abord rappelé que la confidentialité de la procédure de conciliation est opposable à toute personne qui, par ses fonctions, en a connaissance. Pour eux, cette confidentialité était donc opposable à la banque même si elle ne faisait pas partie des créanciers appelés à la procédure de conciliation.

Ensuite, les juges ont affirmé que l’ouverture d’une procédure de conciliation, qui n’est pas un signe d’absence probable de paiement d’une créance par l’entreprise qui en fait l’objet, est une information confidentielle qu’en l’occurrence la banque ne pouvait pas utiliser pour justifier une déclaration de défaut auprès de la Banque de France, peu importe que cette information lui avait été révélée par l’entreprise elle-même.

Les juges ont donc considéré qu’en ayant procédé à une telle déclaration de défaut, la banque avait causé à l’entreprise un trouble manifestement illicite qu’il convenait de faire cesser.


Cassation commerciale, 3 juillet 2024, n° 22-24068

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Cession du bail rural, mode d’emploi

Le principe : l’interdiction des cessions de bail rural

C’est la loi : en dehors de quelques hypothèses limitativement prévues (v. infra), un exploitant agricole n’a pas le droit de céder son bail. Et ce, même si la cession est consentie gratuitement, même si elle porte sur une partie seulement des terres ou des bâtiments loués, et même si elle est réalisée avec l’accord du bailleur.

Cette interdiction a un double fondement : d’une part, le bail rural est un contrat conclu par un propriétaire avec une personne déterminée qu’il choisit pour exploiter les terres qui lui appartiennent. Et d’autre part, la loi a voulu éviter qu’une cessibilité du bail rural entraîne une spéculation foncière et donc un accroissement des charges que doivent supporter les exploitants agricoles.

Lors de la cession d’une exploitation agricole, par exemple au moment du départ en retraite de l’exploitant, les baux ruraux dont il est titulaire ne peuvent donc pas être cédés au repreneur, sauf dans les hypothèses légalement autorisées et dans les conditions requises. Ils doivent d’abord être résiliés à l’amiable avant que les propriétaires consentent de nouveaux baux au profit de ce dernier. À défaut, il s’agirait d’une cession de bail prohibée.

Plus largement, toute opération (en dehors des cas et conditions prévus par la loi) par laquelle le locataire permet à une personne d’exploiter à sa place une parcelle louée pourrait être considérée comme une cession de bail prohibée. Tel peut être le cas, par exemple, lorsqu’un exploitant voisin du locataire occupe et entretient en permanence une prairie louée par ce dernier pour y faire paître son troupeau ou y récolter le fourrage.

L’exploitant n’a pas non plus le droit de sous-louer les terres ou les bâtiments loués sauf, là encore, dans quelques situations expressément prévues par la loi. Pas question, par exemple, de sous-louer une partie des terrains loués à une société pour qu’elle y exerce une activité commerciale (de loisirs, par exemple).

Précision : parmi les sous-locations autorisées par la loi, un exploitant agricole est en droit de sous-louer, avec l’accord du bailleur, pour une durée maximale de 3 mois consécutifs, un terrain ou un bâtiment loué pour un usage de vacances (camping à la ferme, gîte rural). De même, le bailleur peut autoriser (obligatoirement par écrit) son locataire à sous-louer, tout au long de l’année cette fois, des bâtiments à usage d’habitation. Ces dérogations favorisent ainsi la pluriactivité.

Et attention, les sanctions sont lourdes : outre la nullité de l’opération, l’exploitant qui procède à une cession de bail ou à une sous-location prohibée encourt la résiliation de son bail ou, à tout le moins, le refus de son renouvellement par le bailleur. Sans compter le versement de dommages-intérêts à ce dernier pour le préjudice qu’il subit en raison de l’inexécution du bail.

Les exceptions : les cessions de bail autorisées

Fort heureusement, des exceptions au principe d’interdiction des cessions du bail rural sont prévues. Elles concernent les cessions opérées dans le cadre familial et celles consenties au profit d’une société.

Cession du bail aux enfants ou au conjoint du locataire

Pour faciliter la transmission familiale des exploitations agricoles, notamment lors du départ à la retraite de l’exploitant, la cession du bail rural au profit des descendants (enfants, petits-enfants) ayant atteint l’âge de la majorité ou du conjoint (ou du partenaire de Pacs) du locataire est autorisée.

Mais cette opération ne peut être réalisée qu’avec l’agrément préalable du bailleur. À défaut d’accord de celui-ci, l’autorisation peut être accordée par le tribunal paritaire des baux ruraux. Et attention, une cession de bail opérée sans autorisation préalable encourrait les sanctions énumérées ci-dessus.

Autre condition pour pouvoir bénéficier de la cession du bail, le descendant ou le conjoint du locataire doivent être en règle au regard de la réglementation relative au contrôle des structures des exploitations agricoles. Ils doivent donc, le cas échéant, obtenir une autorisation administrative d’exploiter. Si tel n’est pas le cas, le bailleur serait en droit de s’opposer à la cession pour ce motif. Et s’il était saisi, le tribunal ne pourrait que refuser le transfert du bail.

Un projet de cession de bail peut également capoter pour d’autres raisons. En effet, à l’appui de sa décision de refus d’autoriser la cession du bail, le bailleur peut légitimement faire valoir que le locataire n’a pas eu un comportement irréprochable (non-respect de ses obligations contractuelles, par exemple des retards dans le paiement des fermages ou un mauvais entretien du fonds loué) ou que le candidat à la cession ne dispose pas de l’aptitude professionnelle requise ou des moyens matériels et financiers suffisants pour assurer l’exploitation des terres louées dans de bonnes conditions. Lorsqu’ils sont appelés à statuer, les juges apprécient la situation au cas par cas…

À noter que la cession du bail ne peut avoir lieu au profit du conjoint du locataire que si celui-ci participe, même à temps partiel seulement, à l’exploitation des terres louées.

À noter : à condition d’obtenir l’autorisation du bailleur ou, à défaut, celle du tribunal paritaire, l’exploitant locataire a le droit d’associer à son bail en qualité de colocataire son conjoint (ou son partenaire de Pacs) lorsqu’il participe à l’exploitation ou un descendant majeur.

Par ailleurs, lorsque l’un des conjoints cotitulaires du bail cesse de participer à l’exploitation (divorce, retraite…), l’autre, qui continue à exploiter, doit demander au bailleur, dans les 3 mois qui suivent cette cessation d’activité, que le bail puisse se poursuivre à son seul nom. S’il veut s’y opposer, ce dernier doit alors, dans les 2 mois, saisir le tribunal paritaire, lequel autorisera ou non l’opération.

À noter : il existe une forme de bail, dit cessible, permettant à l’exploitant locataire de céder son droit au bail en dehors du cadre familial en même temps que son fonds agricole. Mais elle semble peu utilisée.

Apport ou mise à disposition du bail à une société

Très nombreux sont les exploitants qui décident d’exercer leur activité dans le cadre d’une société. Pour faciliter le recours à ce mode d’exploitation, la cession de son bail rural par un exploitant à une société est juridiquement possible. Mais là encore, un certain nombre de conditions doivent être respectées.

Ainsi, l’exploitant locataire peut faire apport de son droit au bail à une société civile d’exploitation agricole (SCEA, EARL) ou à un groupement d’exploitants (Gaec) ou de propriétaires (GFA), la société ou le groupement devenant alors seul titulaire du bail, avec toutes les conséquences qui en résultent (droits et obligations découlant du statut du fermage). Mais attention, cet apport n’est possible qu’avec l’accord préalable du bailleur. À défaut, il s’agirait d’une cession de bail interdite, susceptible d’être sanctionnée par la résiliation. Et impossible ici de pallier le refus du bailleur en demandant l’autorisation du juge.

Attention : l’exploitant locataire qui envisage de céder son bail à une société doit également recueillir le consentement exprès de son conjoint lorsque celui-ci participe aux travaux de l’exploitation. À défaut, l’apport du bail risquerait d’être annulé.

Une autre solution, souvent préférée car plus simple à déployer, consiste pour l’exploitant à mettre son bail à la disposition de la société qui exploitera les terres louées. En pratique, ce dernier, qui, dans ce cas, reste titulaire du bail, doit simplement en informer le bailleur. Et attention, une mise à disposition n’est valable que si le locataire est associé dans la société et qu’il se consacre effectivement à l’exploitation des biens loués. À défaut, le bailleur serait en droit de demander la résiliation du bail, et ce sans même que le manquement du locataire à cette obligation lui ait causé un préjudice.

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Une entreprise en redressement judiciaire doit mentionner toutes les créances

Lorsqu’une entreprise fait l’objet d’une procédure collective (sauvegarde, redressement, liquidation judiciaire), elle doit porter à la connaissance du mandataire judiciaire (ou du liquidateur judiciaire) les sommes dont elle est redevable à l’égard de ses créanciers.

Cette obligation vaut également pour les créances dont elle conteste l’existence. Et d’ailleurs, le fait de porter une créance à la connaissance du mandataire judiciaire ne signifie pas que l’entreprise reconnaît le bien-fondé de cette créance, de sorte qu’elle peut ultérieurement la contester.

Ainsi, dans une affaire récente, une société avait été condamnée à payer une somme d’argent à une autre, une compensation ayant été ordonnée entre cette somme et une somme antérieurement versée par la première à la seconde au titre de dépôts de garantie. Mais la société avait contesté être débitrice d’une quelconque somme d’argent et avait donc fait appel de ce jugement. Par la suite, lorsqu’elle avait été placée en redressement judiciaire, elle n’avait pas mentionné l’entreprise créancière dans la liste des créanciers transmise au mandataire judiciaire.

L’entreprise créancière, qui, du coup, n’avait pas déclaré sa créance dans les deux mois de la publication du jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, avait demandé au juge-commissaire à être relevée de forclusion, c’est-à-dire à pouvoir la déclarer hors délai.

Et les juges lui ont donné gain de cause. En effet, ils ont constaté qu’elle ne figurait pas sur la liste des créanciers et que sa demande de relevé de forclusion devait donc être accueillie, la société débitrice ne pouvant pas valablement soutenir qu’elle n’avait pas à la mentionner sur la liste de ses créanciers au motif qu’il ne pouvait lui être imposé de déclarer pour le compte d’un créancier une créance dont elle contestait l’existence.


Cassation commerciale, 3 juillet 2024, n° 23-15715

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Insaisissabilité de la résidence principale : et en cas de cessation d’activité ?

Vous le savez : la résidence principale d’un entrepreneur individuel est insaisissable de plein droit par ses créanciers professionnels. Elle ne peut donc pas être saisie par ces derniers lorsque l’entrepreneur individuel connaît des difficultés économiques et, notamment, lorsqu’il fait l’objet d’une liquidation judiciaire.

Mais qu’en est-il lorsque l’entrepreneur cesse son activité et est placé ensuite en liquidation judiciaire ? La protection de sa résidence principale joue-t-elle encore dans ce cas ? La Cour de cassation a répondu par l’affirmative à cette question il y a quelques jours.

Dans cette affaire, un artisan avait cessé son activité professionnelle le 5 décembre 2017, date à laquelle il avait été radié du répertoire des métiers. Le 4 septembre 2018, il avait été placé en redressement judiciaire, puis le 2 octobre suivant, en liquidation judiciaire. Pour pouvoir payer les dettes des créanciers de l’entrepreneur, le liquidateur judiciaire avait alors demandé que le logement de ce dernier, dont il était propriétaire avec son épouse, soit vendu aux enchères.

Les époux avaient alors fait valoir que ce logement constituait leur résidence principale et qu’il était donc insaisissable par les créanciers professionnels si bien que le liquidateur ne pouvait pas demander sa mise en vente.

Mais pour la cour d’appel, dans la mesure où cet artisan avait cessé son activité 9 mois avant l’ouverture de la procédure collective, sa résidence principale ne bénéficiait plus de l’insaisissabilité.

L’activité cesse, l’insaisissabilité subsiste

Censure de la Cour de cassation qui a rappelé que l’insaisissabilité de la résidence principale d’un entrepreneur individuel s’applique à l’égard des créanciers dont la créance naît à l’occasion de son activité professionnelle. Par conséquent, les effets de l’insaisissabilité subsistent aussi longtemps que ces créanciers ne sont pas payés, et ce quand bien même l’entrepreneur n’exerce plus son activité au moment où la saisie de la résidence principale est demandée.

Dans cette affaire, le logement de cet artisan ne pouvait donc pas être vendu dans le cadre de la liquidation judiciaire.


Cassation commerciale, 11 septembre 2024, n° 22-13482

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Quand le conjoint d’un associé renonce à la qualité d’associé

Dans les SARL, dans les sociétés en nom collectif et dans les sociétés civiles, le conjoint d’un associé qui a utilisé des biens communs du couple pour faire un apport à la société ou pour souscrire des parts sociales a le droit de revendiquer lui-même la qualité d’associé pour la moitié des parts sociales correspondantes.

En pratique : pour exercer ce droit, le conjoint, après en avoir été averti, doit notifier à la société son intention d’être personnellement associé.

Bien entendu, le conjoint peut renoncer à revendiquer cette qualité. Et attention, une fois qu’il y a renoncé, il ne peut plus, en principe, revenir sur sa décision. Toutefois, par exception, les juges viennent d’admettre que le conjoint renonçant puisse par la suite devenir associé, à sa demande, lorsque l’unanimité des associés en est d’accord.

Dans cette affaire, un groupement agricole d’exploitation en commun (Gaec) avait été constitué entre un père et son fils avec des biens communs du couple. Dans un premier temps, l’épouse avait renoncé à la qualité d’associé du Gaec, cette renonciation ayant été inscrite dans les statuts. Mais quelques années plus tard, elle avait changé d’avis et demandé à avoir cette qualité, ce que les associés du Gaec avaient unanimement accepté.

Par la suite, les rapports entre les époux s’étant dégradés, le mari avait contesté l’acquisition par son épouse de la qualité d’associé du Gaec, faisant valoir que la renonciation de celle-ci à devenir associé était irrévocable.

L’accord unanime des associés

La Cour de cassation, devant laquelle le litige avait fini par être porté, a d’abord rappelé que l’épouse ne pouvait pas, en effet, revenir sur sa décision, claire et non équivoque, de renoncer à la qualité d’associé. Mais ensuite, elle a considéré que la renonciation par l’épouse à devenir associé au moment de l’apport de biens communs réalisé à la société par son conjoint n’avait pas fait obstacle à ce que l’unanimité des associés lui reconnaisse ultérieurement, à sa demande, cette qualité.


Cassation commerciale, 19 juin 2024, n° 22-15851

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Les tribunaux des activités économiques en expérimentation à compter de 2025

La loi de programmation de la justice du 20 novembre 2023 avait prévu de transformer, à titre expérimental pendant une durée de 4 ans, un certain nombre de tribunaux de commerce en « tribunaux des activités économiques » (TAE) ayant une compétence élargie notamment en matière de prévention et de traitement des difficultés des entreprises. La liste des tribunaux de commerce concernés a été récemment dévoilée et quelques précisions en la matière ont été apportées.

Compétence des tribunaux des activités économiques

Plus précisément, les TAE seront compétents pour connaître des procédures d’alerte, des procédures amiables (mandat ad hoc, procédure de conciliation, règlement amiable pour les exploitants agricoles) et des procédures collectives (procédure de sauvegarde, redressement judiciaire, liquidation judiciaire) dont feront l’objet les entreprises en difficulté ayant leur siège dans leur ressort, et ce quels que soient leur statut (entreprise individuelle, professionnel libéral, société commerciale ou civile, groupement agricole, association) et leur activité (commerciale, artisanale, libérale, agricole).

Exception : les professions réglementées du droit (avocats, notaires, commissaires de justice, greffiers des tribunaux de commerce, administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires) continueront à relever des tribunaux judiciaires.

Les TAE auront également vocation à connaître des actions et des contestations relatives aux baux commerciaux lorsqu’elles seront nées d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ou en lien avec une telle procédure.

Les tribunaux de commerce concernés

Les douze tribunaux de commerce qui deviendront des TAE à compter du 1er janvier 2025 sont ceux de Marseille, du Mans, de Limoges, de Lyon, de Nancy, d’Avignon, d’Auxerre, de Paris, de Saint-Brieuc, du Havre, de Nanterre et de Versailles.

Les procédures ouvertes à compter de cette date, et pendant une durée de 4 ans, relèveront donc de ces TAE. Parallèlement, les tribunaux judiciaires dont le ressort correspond à celui des TAE ne seront plus compétents.

Rappel : les tribunaux judiciaires sont compétents pour connaître des difficultés des sociétés civiles, des professionnels libéraux, des exploitants agricoles à titre individuel, des sociétés civiles d’exploitation agricole et des groupements agricoles (Gaec, GFA) et des associations.

L’information des justiciables

Les douze juridictions concernées veilleront à informer les justiciables, les auxiliaires de justice et les instances locales représentatives des entreprises de la date du début de cette expérimentation et de son contenu, en particulier s’agissant de la compétence des TAE.

En pratique, une documentation sera mise à disposition du public au greffe du TAE, au service d’accueil unique du justiciable au siège du tribunal judiciaire dans le ressort duquel le TAE a son siège ainsi que par voie électronique.

Le paiement d’une contribution financière

Le montant de la contribution financière éventuellement due par les justiciables pour agir devant le TAE n’a pas encore été fixé, le décret prévu en la matière n’étant pas encore paru.


Décret n° 2024-674 du 3 juillet 2024, JO du 5

Arrêté du 5 juillet 2024, JO du 6

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Entreprise en redressement judiciaire : quel délai pour régler ses loyers impayés ?

Lorsqu’une entreprise fait l’objet d’un redressement judiciaire et que des loyers demeurent impayés, le bailleur est en droit de faire résilier le bail pour ce motif. Mais attention, il doit laisser s’écouler un délai de 3 mois à compter du jugement d’ouverture du redressement judiciaire avant de formuler sa demande de résiliation. Et les loyers impayés doivent être inhérents à une période postérieure à ce jugement.

Sachant que si les loyers sont réglés pendant ce délai de 3 mois, la résiliation du bail n’est pas possible.

À ce titre, une décision intéressante sur le délai dont dispose l’entreprise en redressement judiciaire pour régler un arriéré de loyers vient d’être rendue par les juges. Dans cette affaire, une entreprise avait été mise en redressement judiciaire par un jugement daté du 28 avril 2020. Le 10 septembre 2020, soit 4 mois et demi plus tard, elle avait procédé au versement des loyers échus pour la période postérieure au jugement d’ouverture du redressement judiciaire. Le jour même, le bailleur avait saisi la justice en vue de faire prononcer la résiliation du bail commercial. Pour lui, les conditions étaient réunies pour qu’il obtienne gain de cause puisque le règlement des loyers impayés était intervenu au-delà du délai de 3 mois.

Jusqu’au jour où le juge-commissaire statue

Mais la Cour de cassation, devant laquelle le litige avait fini par être porté, n’a pas suivi ce raisonnement. Pour elle, le juge-commissaire, saisi par le bailleur d’une demande en résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges inhérents à une occupation postérieure au jugement d’ouverture du redressement judiciaire, doit s’assurer, au jour où il statue, que des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d’ouverture demeurent impayés. Or, dans cette affaire, le locataire avait payé sa dette le jour où le juge avait été saisi. La résiliation du bail ne pouvait donc pas être prononcée.


Cassation commerciale, 12 juin 2024, n° 22-24177

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Action en paiement d’une créance contre un client en redressement judiciaire

L’un de mes clients ne m’a pas informé de sa mise en redressement judiciaire et n’a pas porté à la connaissance du mandataire judiciaire la somme d’argent qu’il me doit. Du coup, je n’ai pas pu déclarer cette créance. Suis-je en droit d’agir contre lui pour en obtenir le paiement ?

Non. À partir du moment où une entreprise est placée en redressement judiciaire, ses créanciers ne peuvent plus agir individuellement contre elle pour obtenir le paiement d’une créance née avant l’ouverture du redressement. Et ce, même si vous n’avez pas été informé de sa mise en redressement judiciaire.

En principe, vous auriez dû déclarer cette créance dans les 2 mois à compter de la publication du jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire. Mais compte tenu des circonstances (omission du débiteur de déclarer votre créance lors de l’établissement de la liste de ses créanciers), vous pouvez demander au juge-commissaire d’être « relevé de forclusion », c’est-à-dire qu’il vous autorise à déclarer votre créance même si vous êtes hors délai.

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Procédure collective : les effets limités de la déclaration d’une créance par le débiteur

Lorsqu’une entreprise fait l’objet d’une procédure collective (sauvegarde, redressement, liquidation judiciaire), elle doit porter à la connaissance du mandataire judiciaire (ou du liquidateur judiciaire) les sommes dont elle est redevable à l’égard de ses créanciers.

Précision : par cette déclaration, l’entreprise est présumée avoir agi pour le compte du créancier tant que celui-ci n’a pas lui-même déclaré sa créance.

Mais attention, la déclaration d’une créance par l’entreprise ne veut pas dire qu’elle reconnaît le bien-fondé de cette créance. C’est ce que les juges ont précisé dans l’affaire récente suivante.

Une société en difficulté placée en sauvegarde avait mentionné une créance impayée d’un fournisseur dans la liste des créanciers remise au mandataire judiciaire. Par la suite, ce fournisseur avait déclaré cette créance dans le cadre de la procédure de sauvegarde mais pour un montant supérieur à celui indiqué par l’entreprise. Cette dernière avait alors contesté ce montant. De son côté, le fournisseur avait fait valoir que l’entreprise n’était plus en droit de contester une créance qu’elle avait porté à la connaissance du mandataire judiciaire.

Mais les juges n’ont pas donné raison au fournisseur. Pour eux, le fait que l’entreprise débitrice ait porté une créance à la connaissance du mandataire judiciaire fait seulement présumer la déclaration de cette créance par son titulaire, dans la limite du contenu de l’information qu’elle donne au mandataire judiciaire. Il ne vaut pas reconnaissance par l’entreprise du bien-fondé de cette créance. Cette dernière est donc en droit de la contester ensuite. Il revient alors au créancier, en l’occurrence au fournisseur, de prouver l’existence et le montant de sa créance.


Cassation commerciale, 23 mai 2024, n° 23-12133

Cassation commerciale, 23 mai 2024, n° 23-12134

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Les procédures de prévention des difficultés des entreprises

Le mandat ad hoc

Demandé par le chef d’entreprise, le mandat ad hoc est l’un des dispositifs judiciaires de prévention des difficultés des entreprises. Son principal atout réside dans sa grande souplesse.

En quoi consiste le mandat ad hoc ?

Le mandat ad hoc est un dispositif phare en matière de prévention des difficultés des entreprises. Il s’agit d’un dispositif aux contours particulièrement souples. Il consiste pour le chef d’une entreprise (entreprise individuelle, société) en proie à des difficultés économiques ou financières à demander au président du tribunal de commerce ou du tribunal judiciaire, selon l’activité exercée (commerciale, artisanale, libérale ou agricole), qu’il désigne une personne habilitée pour tenter de trouver une solution à ces difficultés. Ces difficultés peuvent résulter, par exemple, de la dénonciation d’un concours financier par le banquier, du non-renouvellement d’un contrat par un client ou encore de l’assignation en justice par un fournisseur impayé.

Mais attention, seules les entreprises qui ne sont pas en état de cessation des paiements peuvent recourir au mandat ad hoc.

À noter : le recours à un mandataire ad hoc est également possible en cas de conflit interne entre associés ou de problème de gouvernance. Il pourra lors avoir pour mission de négocier des conventions, de convoquer des assemblées…

Le rôle du mandataire ad hoc

Une fois qu’il est désigné, le mandataire ad hoc — ce peut-être un administrateur judiciaire ou toute autre personne compétente pouvant être proposée par le chef d’entreprise lui-même — va être chargé d’une mission définie par le tribunal, à savoir, en matière de difficultés économiques d’une entreprise, d’inciter et de favoriser la négociation entre le chef d’entreprise et ses principaux créanciers pour parvenir à la conclusion d’un accord. Accord qui pourra, par exemple, prévoir des délais de paiement et/ou des remises de dette et qui aura pour objet de permettre à l’entreprise de redresser sa situation.

Volontaire, amiable et confidentiel

L’un des gros avantages du recours au mandat ad hoc réside dans son caractère volontaire, souple et amiable. En effet, le chef d’entreprise prend lui-même l’initiative de déclencher la procédure en saisissant la justice. Il conserve tous ses pouvoirs de gestion pendant la durée de la mission du mandataire et œuvre aux côtés de ce dernier pour trouver une issue à ses difficultés. L’autre principal atout de cette procédure étant sa confidentialité (pas de publicité de l’ouverture de la procédure ni de l’existence de l’accord conclu avec les créanciers), le mandataire ad hoc étant d’ailleurs tenu à une obligation de confidentialité.

Et en cas d’échec ?

Lorsqu’aucune solution amiable n’aura pu être trouvée, le mandataire ad hoc rendra compte de son échec au président du tribunal. Le chef d’entreprise devra alors s’orienter vers une autre procédure de prévention (la procédure de conciliation) voire faire l’objet d’une procédure collective.

La procédure de conciliation

Déclenchée, comme le mandat ad hoc, à l’initiative du dirigeant de l’entreprise en difficulté, la procédure de conciliation a pour objet de permettre de trouver un accord entre ce dernier et ses principaux créanciers.

En quoi consiste la procédure de conciliation ?

La procédure de conciliation est ouverte à toute entreprise (individuelle, société) exerçant une activité commerciale ou artisanale, aux personnes morales de droit privé, aux personnes physiques exerçant une activité professionnelle indépendante – y compris les professions libérales réglementées –, qui éprouve des difficultés avérées ou prévisibles ou qui se trouve en état de cessation des paiements depuis 45 jours au plus.

À noter : les entreprises agricoles sont écartées de ce dispositif car elles bénéficient d’une procédure spécifique (le règlement amiable).

La conciliation vise essentiellement à permettre à l’entreprise de conclure avec ses principaux créanciers ainsi que, le cas échéant, ses cocontractants habituels, un accord amiable destiné à mettre fin à ses difficultés.

La négociation de cet accord est confiée à un conciliateur désigné par le président du tribunal de commerce ou par le président du tribunal judiciaire (selon le type d’entreprise concernée).

Gros avantage, la conciliation est gouvernée par un principe de confidentialité :

– l’ouverture de la procédure ne donne lieu à aucune publicité ;

– toute personne appelée à la conciliation ou qui, par ses fonctions, en a connaissance, est tenue à la confidentialité.

L’ouverture de la procédure

La procédure de conciliation est déclenchée à l’initiative du chef d’entreprise lui-même qui saisit à cet effet, par requête, le président du tribunal de commerce (pour les entreprises exerçant une activité commerciale ou artisanale) ou le président du tribunal judiciaire (dans les autres cas).

S’il accepte cette requête, le président du tribunal ordonne la conciliation et désigne un conciliateur, dont il fixe la mission et la rémunération. Sachant que dans le cadre de sa requête, le chef d’entreprise peut lui-même proposer au tribunal le nom d’un conciliateur.

La conclusion d’un accord

Le conciliateur a 5 mois au plus pour rechercher un accord entre l’entreprise et ses partenaires. En fait, il est désigné pour une durée initiale de 4 mois maximum. Mais il peut solliciter un renouvellement sans que la durée totale (durée initiale + renouvellement) puisse excéder 5 mois.

Pendant toute la durée de la procédure, les poursuites des créanciers ne sont pas suspendues. Ces derniers peuvent donc continuer d’agir en paiement à l’encontre du chef d’entreprise. Toutefois, au cours de la procédure, le chef d’entreprise peut demander au tribunal de suspendre l’exigibilité de la créance d’un créancier, ainsi que les poursuites individuelles que ce dernier engagerait contre l’entreprise. Et si ce créancier refuse de suspendre ses poursuites durant les négociations, le chef d’entreprise peut demander au juge qu’il reporte ou qu’il échelonne, dans la limite de 2 ans, le paiement des sommes qu’il doit à l’intéressé. Le chef d’entreprise peut également demander des délais de paiement au juge.

L’accord conclu dans le cadre de la conciliation emporte, cette fois, arrêt des poursuites individuelles contre l’entreprise par les créanciers parties à l’accord en ce qui concerne les créances qui en font l’objet.

À noter : l’arrêt des poursuites bénéficie également aux personnes ayant consenti une sûreté personnelle en faveur de l’entreprise (les cautions notamment) ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie d’une dette de celle-ci.

L’accord ainsi obtenu peut prévoir des délais de paiement, des remises de dettes ou encore des remises d’intérêts et de pénalités de retard. Il peut être simplement constaté par le président du tribunal ou homologué. L’accord simplement constaté ne fait l’objet d’aucune publicité et n’est opposable qu’à ses seuls signataires. Il reste donc confidentiel. L’accord homologué, quant à lui, fait l’objet d’une mesure de publicité tout au moins quant à son existence, son contenu demeurant confidentiel.

À noter : l’homologation doit être demandée au tribunal par le débiteur. Elle n’est possible que si les conditions suivantes sont réunies :

– l’entreprise n’est pas en cessation des paiements ou l’accord conclu y met fin ;

– les termes de l’accord sont de nature à assurer la pérennité de l’entreprise ;

– l’accord ne porte pas atteinte aux intérêts des créanciers non-signataires.

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