DCF : de l’importance des projections de flux de trésorerie

Publié le

La création de valeur repose sur la génération de cash et non de profit. Faire de l’EBIT c’est bien, faire du Free Cash Flow c’est mieux ! De plus, en valorisation, on parle de l’ensemble des flux de trésorerie futurs. Maximiser l’EBIT à court terme n’est pas nécessairement la meilleure stratégie pour maximiser la valeur de son entreprise…

Introduction

L’une des méthodes de valorisation les plus connues est la méthode « Discounted Cash Flow » (DCF), méthode postulant que la valeur intrinsèque d’une entreprise est la somme actualisée des flux de trésorerie libres futurs générés par cette dernière.

Derrière ce postulat simple se cachent plusieurs notions importantes. Premièrement, la création de valeur repose sur la génération de cash et non de profit. Faire de l’EBIT c’est bien, faire du Free Cash Flow c’est mieux ! De plus, en valorisation, on parle de l’ensemble des flux de trésorerie futurs. Maximiser l’EBIT à court terme n’est pas nécessairement la meilleure stratégie pour maximiser la valeur de son entreprise… 

Conceptuellement, cette méthode est extrêmement puissante car elle relie la valorisation de l’entreprise à ses leviers de création de valeur. Néanmoins, la mise en pratique est très ardue et vouloir parvenir à une estimation exacte est une pure utopie. Nous parlerons dans la newsletter du mois prochain, du problème du taux d’actualisation.

Dans la présente édition, nous montrons l’importance et la difficulté de faire des projections de flux de trésorerie. Dans un premier temps, un rappel sur les formules importantes est présenté avant d’aborder les éléments critiques des projections de flux.

La valeur intrinsèque, le profit économique, le flux de trésorerie libre et la croissance rentable

Il existe deux formules importantes -et totalement équivalentes- pour déterminer la valeur intrinsèque d’une entreprise.

Valeur d′entreprise = FCF futurs actualisés   (1)

Valeur d′entreprise = Capitaux investis + EVA futurs actualisés   (2)

Tout d’abord, rappelons que l’actualisation est un concept financier qui permet de déterminer la valeur à date du jour d’un flux financier futur.

Commentons la première formule. Qu’est-ce que le Free Cash Flow (FCF)? C’est simplement le flux de trésorerie disponible pour les différents bailleurs de fonds une fois que l’intégralité des coûts hors financement a été payée.

FCF = EBIT * (1 – IS) – (Capex – D&A) – Variation de BFR   (3)

ou encore 

FCF = EBIT après impôts * (1-Taux d’investissement)   (4)

avec le taux d’investissement défini par : 

Ainsi, on voit clairement dans l’équation (3) que le Free Cash Flow est très différent de l’EBIT (agrégat comptable très proche du résultat d’exploitation qui est l’obsession de beaucoup d’entreprises).

Premièrement, le Free Cash Flow s’entend après impôts et est donc nécessairement plus faible que l’EBIT (même en l’absence d’investissement) ! 

En effet, le Free Cash Flow vient après l’investissement de l’entreprise. Ce dernier se décompose en deux volets: 

  • l’investissement net en immobilisation (vous achetez une nouvelle usine, vous développez par de la R&D une nouvelle molécule…) 
  • l’investissement en Besoin en Fond de Roulement (augmentation de stock, augmentation des créances clients…).

Autrement dit, si votre entreprise génère beaucoup d’EBIT mais qu’une grande partie de vos profits doit être réinvestie dans l’entreprise pour en financer la croissance alors elle vaudra beaucoup moins qu’une entreprise ayant le même EBIT que vous et qui n’aurait besoin que de peu de réinvestissement pour atteindre la même croissance…

On touche là du doigt un concept fondamental dans la valeur intrinsèque d’une entreprise : la croissance rentable. Nous y reviendrons dans la suite.

Revenons à présent à la formule (2). Cette dernière –qui est strictement équivalente à la formule (1)démontre que la valeur d’une entreprise est égale aux capitaux investis auxquels vont se rajouter tous les profits économiques futurs actualisés (appelés « Economic Value Added » ou EVA).

Les capitaux investis se comprennent comme une simple somme :

Capitaux investis = Immobilisation + BFR = Capitaux propres + Endettement net    (6)

Ce sont simplement tous les moyens matériels (Immobilisations + BFR) ou financiers (Capitaux Propres + Endettement net) mis en œuvre dans l’entreprise. Bien évidemment en raison du principe de l’équilibre financier, la somme des moyens matériels est bien égale à la somme des moyens financiers qui les financent… 

Quid du profit économique ? Il se calcule de la manière suivante :

EVA = Capitaux investis * (ROCE – Coût du capital)  (7)

avec la rentabilité économique (appelée « ROCE » acronyme pour Return On Capital Employed) définie par : 

Le coût du capital est la rentabilité minimale exigée par vos bailleurs de fonds (banques et actionnaires). Bien évidement ces derniers vous fournissent les capitaux nécessaires en contrepartie d’une compensation financière (intérêts sur de la dette, dividendes et plus-values pour des actions). Et donc une entreprise n’a de la valeur que si ses capitaux investis dégagent une rentabilité qui est supérieure à ce qu’exigent ses bailleurs de fonds.

Nous arrivons enfin à la formule finale – la plus importante de toute. Que vaut une entreprise dans un monde « simpliste » où sa croissance, sa rentabilité et sa structure financière restent constantes ?

En quelques mots, votre entreprise vaudra beaucoup si :

  • vous avez une forte croissance,  
  • que vous dégagez une forte rentabilité (à savoir beaucoup de profits avec un faible niveau de capitaux investis) 
  • et que ces deux derniers points sont pérennes.

La formule (10) vous donne déjà une première estimation très grossière de la valeur de votre entreprise. 

Par exemple avec un taux d’impôt de 28% et un coût du capital à 10%, une entreprise générant 5M€ d’EBIT avec une croissance perpétuelle de 1% et une rentabilité de 10% vaut 36M€. 

Si sa croissance avait été de 3% et sa rentabilité de 20%, elle aurait alors valu 43,7M€ (soit plus de 20% en plus). Nous rappelons que c’est la croissance rentable qui compte.

En effet, imaginons que cette entreprise annonce une croissance perpétuelle de 5% (ce qui est énorme !) mais une rentabilité de 8%. Quelle est sa valeur ? 

Réponse : 27M€. Plus cette entreprise croît, plus elle détruit de la valeur car sa rentabilité est inférieure à son coût du capital…

Forts du rappel de ces formules importantes, vous disposez désormais toutes les bases pour aborder la suite !     

Les 4 piliers du Business Plan

Quand on estime la valeur intrinsèque d’une entreprise par DCF, on valorise un Business Plan. 

Le Business Plan est simplement la projection quantifiée des perspectives économiques et financières futures de l’entreprise. Autrement dit, le Business Plan est juste la transcription en chiffres de « l’histoire future de l’entreprise imaginée par le management »

Le rôle de l’évaluateur est de conseiller le management sur l’élaboration du business plan et ensuite de valoriser ce dernier. Bien évidemment, l’entreprise ne réalisera pleinement sa création de valeur que si le business plan se réalise ! La grande difficulté est dans l’élaboration des sous-jacents du business plan.

Ils sont au nombre de 4 : 

  • le Management, 
  • l’Environnement, 
  • l’Organisation 
  • et enfin la Stratégie.

Nous n’en dirons pas plus pour le moment car ce sujet complexe fera l’objet d’une newsletter entièrement dédiée. Gardez bien en tête que même le modèle financier le plus élaboré ne pourra donner une valorisation ayant du sens que si le business plan est viable et fiable…  

L’incertitude et l’illusion de la précision

Le monde dans lequel nous vivons est volatil, incertain, ambigu et complexe et il va sans dire que les valorisations s’en ressentent… 

Petit exemple d’une entreprise que tout le monde connait : Tesla, le fabricant de voiture électrique. 

37 analystes financiers suivent le titre. 11 sont positifs, 14 sont neutres, 8 sont négatifs et 4 ne se prononcent pas. 

Les estimations de la valeur de l’action vont de 950$ pour les plus optimistes à 105$ pour les plus pessimistes (soit un rapport de 9 entre les optimistes et les pessimistes !)

La différence n’est pas dans les modèles mais dans l’histoire valorisée.

Pour les plus optimistes, Tesla –dans un futur pas si lointain– sera le leader mondial de la voiture électrique autonome et dominera ce marché en expansion exponentielle de manière hégémonique. 

Pour les plus pessimistes, Tesla est un constructeur automobile comme un autre qui se retrouvera bien vite rattrapé par les concurrents dans un marché de la voiture électrique dont la croissance n’est pas si importante que cela avec une promesse de la voiture autonome qui est illusoire à court/moyen terme. Deux histoires complètement différentes, deux valorisations complètement différentes!

Quelques petits calculs à présent pour démontrer et comprendre que la précision de la méthode DCF est limitée.  

Faisons l’hypothèse d’une entreprise qui génère 10M€ de Free Cash Flow annuel de manière perpétuelle avec un taux d’actualisation de 10%. Sa valeur est de 100M€. 

Combien d’années de flux de trésorerie faut-il à l’entreprise pour atteindre 95% de sa valeur ? La réponse est 31 ans. 

Avec de la croissance c’est encore pire. Si l’entreprise a une croissance perpétuelle de 3% alors les 40 premières années représentent 95% de la valeur de l’entreprise.

Vous sentez-vous capables de faire des projections financières exactes sur 40 ans ?

Une autre manière de voir la chose est la suivante : reprenons notre entreprise de 10M€ de Free Cash Flow perpétuel avec un taux d’actualisation de 10%. Si chaque flux de trésorerie a une volatilité de 5% (ce qui est un exploit de prévision !), quelle est la volatilité de la valorisation ? La réponse est 11%. 

Et si on fait maintenant l’hypothèse que cette volatilité croît linéairement dans le temps (ce qui est logique car le futur lointain est plus incertain que le future proche) ? On arrive alors à 26%…

Bref, vous l’aurez compris, la valorisation n’est pas une science exacte. 

Doit-on pour autant considérer que cela ne sert à rien? Loin de là. 

Une bonne valorisation vous permettra en effet de disposer d’éléments tangibles de négociation lors d’une acquisition ou d’une levée de fonds. Mais par ailleurs, une bonne valorisation vous servira également dans votre activité quotidienne car chaque décision, chaque action que le management prendra aura un impact sur le business plan et donc in fine sur la valeur de l’entreprise… 

Rappelez-vous : « Tous les modèles sont faux mais certains sont utiles ! ». Si un évaluateur vous parle de valeur exacte, avant de fuir, n’hésitez pas à lui demander s’il y a quinze ans il avait anticipé la crise Covid !

Les arbres ne poussent pas jusqu’au ciel

Reprenons l’exemple précédent de l’entreprise de 10M€ de Free Cash Flow (FCF) au taux d’actualisation de 10%.

Si cette entreprise affiche un taux de croissance perpétuel de 5% (soit pratiquement plus que la croissance mondiale de 4% d’après l’OCDE en 2021), alors elle vaudra 200M€. Cela voudrait aussi dire qu’elle générera 33,9M€ de FCF dans 25 ans, 114,7M€ dans 50 ans, 1 315M€ dans 100 ans et 173Md€ dans deux siècles ! 

La croissance perpétuelle est un mythe pour deux raisons…

Les entreprises ne sont pas perpétuelles. D’après une étude de McKinsey, la durée de vie moyenne des entreprises cotées au S&P 500 était de 61 ans en 1958. Elle était en 2016 de 18 ans. 

Que vaut l’entreprise citée si elle a une croissance de 5% par an mais qu’elle disparaisse dans 30 ans ? 150M€ soit 25% de moins…

En outre, la croissance tend à décroître avec le développement de l’entreprise. Plus on gagne de parts de marché et plus il est difficile d’en gagner. Par ailleurs, votre avantage compétitif va être mis à rude épreuve si vous avez vraiment une forte croissance rentable car tous vos concurrents vont essayer de vous copier ! 

Que vaut mon entreprise si elle a une croissance de 5% par an pendant 10 ans, plus aucune croissance ensuite et disparaît au bout de 30 ans ? 117M€ soit 41,5% de moins que la première estimation…

En fait cette estimation s’avère même très pessimiste pour une raison simple : le taux de croissance n’est pas homogène. En règle générale, si l’entreprise a vraiment du succès, elle présentera une physionomie proche de ceci :

En effet la croissance est très forte en début de cycle et a tendance à se réduire fortement avec le développement de l’entreprise dans l’exemple du graphique. La croissance est de 30% en 2021 pour tomber à 10% en 2029 avant de se réduire encore pour tendre vers 1%.

Cela correspond à une croissance moyenne des flux de trésorerie sur les 30 prochaines années de 7%. 

Que vaut cette entreprise avec 10% de taux d’actualisation en ne comptant que les 30 premières années ? 326,2M€. Comparez cela aux 200M€ avec les 5% de croissance perpétuelle…

Vous voulez que votre entreprise soit très bien valorisée ? Elle doit dégager rapidement une forte croissance rentable avec une dynamique de croissance et donc l’avantage compétitif le plus durable possible ! 

Les modèles les plus avancés de Retout- Eval XP

Spécialistes du chiffres, nous connaissons bien les limites des modèles DCF et nos modèles sont ajustés sur-mesure afin de valoriser au mieux votre business plan et votre « histoire d’entreprise ». 

La méthodologie RETOUT – Eval XP propose les  spécificités suivantes :

  • Prise en compte de la dynamique de croissance en fonction de votre avantage compétitif (comme présenté rapidement ci-dessous) 
  • Evolution des dépenses en projection de coûts directs/indirects et fixes/variables 
  • Modèle probabilisé pour prise en compte de toutes les incertitudes 
  • Evolution du BFR suivant les tendances de l’activité avec notamment les aspects saisonnalités 
  • Evolution des niveaux d’investissement suivant les tendances de l’activité et notamment les aspects cycles d’investissement 
  • Modèle granulaire pour éviter les effets moyennes (notamment sur le BFR, les ventes et les coûts directs) 
  • Evolution de la structure de capital et des conditions de financement

Bref, nous avons de quoi donner un chiffre qui fasse sens pour valoriser votre business plan, business plan que nous pouvons par ailleurs vous aider à réaliser !

Le mois prochain dans notre newsletter : MÉTHODE « DCF », LES PIÈGES À ÉVITER (2/2) : l’art et la manière de tenter d’estimer le WACC.

Benjamin FORESTIER

Partner Retout EvalXP

Professeur Affilié Ecole Polytechnique

Patrick LEGLAND

Partner Retout EvalXP

Prof. Affilié Ecole HEC Paris

QUI SOMMES-NOUS

Entièrement dédié à l’Evaluation et la Valorisation d’actifs, RETOUT-EVAL XP est la combinaison d’un groupe d’expertise-comptable, audit et conseil présent à Paris et régions (Île-de-France, Normandie, Centre, Rhône-alpes) de 135 personnes et de spécialistes de tout 1er plan en valorisation d’actifs.

Patrick LEGLAND, Professeur Affilié à HEC Paris, Département Finance, qui enseigne notamment dans le master International of Finance (« MIF »), élu meilleur Master en Finance dans le monde
Il dirige par ailleurs le programme certifiant HEC Paris – Ordre des Experts Comptables, qui forme les Experts Comptables a devenir Directeur Financier de transition. Depuis plus de 25 ans, Patrick est un professionnel de la finance haut de bilan, spécialiste dans l’accompagnement de PME.

Benjamin FORESTIER, Professeur affilié à Ecole Polytechnique Paris, ingénieur spécialiste des secteurs High tech. Depuis plus de 15 ans, Benjamin est un professionnel corporate finance et conseil stratégique qui officie tant pour les Start-up que les grands groupes.

Jean-Paul RETOUT, expert-comptable (DESCF, DEA de gestion Option finance) et titulaire d’un doctorat de gestion de l’université Paris I – Sorbonne. Fondateur du groupe Retout & Associés, il a acquis une forte expertise en Audit et « Transaction Services » pour les PME-PMI et les grands groupes.

Cedric KONOPKA, diplômé SKEMA Business School et université Paris-Dauphine, exerce depuis plus de 18 ans dans le conseil en fusion-acquisition (Banque, Boutique M&A) et le conseil aux PME (Chambre de Commerce et d’industrie de Paris Ile-de-France) dans le cadre de cession & reprise /LBO primaires .

Cette équipe cumule plus de 40 ans d’expérience en finance, banque d’affaires et haute technologie, ainsi que 20 ans d’enseignement en Grandes Ecoles (HEC Paris et Ecole Polytechnique Paris), MBA et programmes de formations executives.

Portée par une exigence d’excellence pour nos clients, cette offre de services dédiée s’adresse aux :

🔹  Start-ups

🔹  VCs et fonds d’investissement

🔹  Family Office – Banques privées/Gestion de fortune – Etudes notariales

🔹  PME-PMI (jusqu’a l’ETI)

Affirmant un positionnement clair, notre spectre de prestations couvre un champ de thématiques précises : 

🔹  Evaluation financière

🔹  Valorisation dans le cadre de levée de fonds, augmentation de capital

🔹  Valorisation de marques (et autres actifs immatériels)

🔹  Valorisation des Management Package (BSA, Stocks options…)

🔹  Expertise dans le cadre de donations/transmissions
 (avec méthodes retenues par les services fiscaux)

🔹  Fairness opinion / Attestation d’équité

🔹  PPA – Purchase Price Allocation

🔹  Modeling & Prévisionnels

Partager cet article

À lire également

Newsletter 7 - Retout Eval XP

La valorisation des Start-ups : la méthode “Venture Capital”

Au programme de ce mois, l’une des méthodes de valorisation des Start-ups : la méthode Venture Capital … Lire la suite

Newsletter 6 - Retout Eval XP

IMPAIRMENT DU GOODWILL : Quid ? Quand le faire ? Comment ?

Au programme de ce mois, nous nous prêtons à un exercice de vulgarisation qui touche au… Goodwill ! La norme IFRS 3 révisée interdit en effet l’amortissement … Lire la suite

PILOTER SA CRÉATION DE VALEUR : choisir les bons clients !

Ce mois-ci retrouvez-nous pour quelques conseils afin de mieux manager votre création de valeur avec ce 1er outil : CLV – Customer Lifetime Value … Lire la suite

Comments are closed.
Your browser is out-of-date!

Update your browser to view this website correctly.Update my browser now

×

Your browser is out-of-date!

Update your browser to view this website correctly.Update my browser now

×